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Arguments contre les brevets logiciels

Posté le lundi 20 octobre 2003 par François PELLEGRINI

L’industrie du logiciel a été innovante bien avant que les brevets logiciels existent. Les brevets logiciels, en permettant la constitution de monopoles, sont une limitation de la liberté d’entreprendre, qui ne pourrait être acceptée que si cela procurait un bénéfice social global à la société dans son ensemble. Cependant, toutes les études économiques réalisées aux États-Unis depuis l’introduction des brevets logiciels ne montrent aucun effet positif, mais plutôt des effets négatifs sous la forme de procès en contrefaçon injustes et coûteux.

Alors que le cycle de développement d’un logiciel est de 18 mois en moyenne, la durée des brevets logiciels ne peut être inférieure à 20 ans du fait des accords TRIPS, ce qui correspond à un monopole sur 13 générations technologiques, hautement anti-compétitif. Le système des brevets, conçu pour les cycles de développement lents de l’industrie manufacturière, n’est pas adapté à une économie de biens immatériels.

La file d’attente d’examen des brevets à l’Office Européen des Brevets pour le domaine relatif aux logiciels est actuellement de plus de 4 ans, ce qui fait que les brevets seraient délivrés trop tard et ne pourraient pas protéger l’innovation. Leur seule utilité est donc en tant qu’instruments d’anti-compétition, et pour ce faire ils doivent avoir la plus grande « portée » possible, afin que leur rendement économique, pour qui les dépose, soit le meilleur possible.
Les rédacteurs de tels brevets sont donc enclins à écrire les revendications les plus larges possibles, et l’OEB est enclin pour sa part à accorder le plus de brevets possible, puisqu’il n’est pas touché par l’insecurité juridique qu’il provoque et vit des rentes sur les brevets accordés.

Le coût énorme des procès en contrefaçon de brevets (en moyenne de plus de 1 million de Dollars par partie aux États-Unis) est inacceptable pour la majorité des PME, pour qui le seul fait d’être attaquée constitue un risque légal majeur.
Comme c’est déjà le cas aux États-Unis, des brevets logiciels douteux pourraient être utilisés comme moyen de harcèlement juridique et de racket légal au détriment de PME innovantes [9,10, 11]
C’est sans doute une des raisons pour lesquelles les défenseurs des brevets logiciels proviennent majoritairement des départements juridiques de grandes entreprises de matériel, alors que leurs opposants sont majoritairement des professionnels de l’informatique et des PME, qui représentent la majorité des emplois et de la richesse produite dans ce secteur.

À la différence d’avec le monde matériel, le temps nécessaire à un concurrent pour imiter un logiciel est à peine plus faible que le temps pris pour développer le logiciel original, car le développement proprement dit constitue l’activité la plus coûteuse en comparaison du simple fait d’avoir l’idée du logiciel, ce qui fait que dans ce marché très réactif les innovateurs initiaux ont le temps de tirer le bénéfice de leurs produits avant qu’un compétiteur ne se présente.
De plus, un tel compétiteur ne peut gagner des parts de marché que si son produit est de meilleure qualité, apporte des innovations supplémentaires, ou bien est moins cher que le produit original, ce qui ne peut se faire, comme les coûts de développement sont identiques d’après ce qui précède, que si le prix de vente du produit original était trop élevé. La preuve en est que, sur un segment de marché donné, un produit de bonne qualité et à un prix raisonnable a peu de compétiteurs.
Dans tous les cas, sans brevets logiciels pour construire des monopoles, la compétition, l’innovation, et les consommateurs sont favorisés. Ces consommateurs sont à la fois les particuliers et les entreprises de toutes tailles et de tous secteurs d’activité, car l’impact des technologies de l’information sur la productivité affecte tous les secteurs de l’économie.

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